25/07/2013 Retour à la page généraleMÉDITATIONS POÉTIQUES : Le lac de Lamartine expliqué (1820)Le lacAinsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emportés sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âgesJeter l'ancre un seul jour ? Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierreOù tu la vis s'asseoir ! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondesSur ses pieds adorés. Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux. Tout à coup des accents inconnus à la terreDu rivage charmé frappèrent les échos,Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chèreLaissa tomber ces mots : « Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,Suspendez votre cours !Laissez-nous savourer les rapides délicesDes plus beaux de nos jours ! « Assez de malheureux ici-bas vous implorent ;Coulez, coulez pour eux ;Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;Oubliez les heureux. « Mais je demande en vain quelques moments encore,Le temps m'échappe et fuit ;Je dis à cette nuit : « Sois plus lente » ; et l'auroreVa dissiper la nuit.« Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,Hâtons-nous, jouissons !L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;Il coule, et nous passons ! » Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,S'envolent loin de nous de la même vitesseQue les jours de malheur ? Hé quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ?Ce temps qui les donna, ce temps qui les effaceNe nous les rendra plus ? Éternité, néant, passé, sombres abîmes,Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?Parlez : nous rendrez vous ces