Le loreley
Rhénanes Alcools 1913
Ce poème est à la fois traditionnel et riche de multiples innovations formelles à l'image de ce passé simple faussement archaïque qu'invente Apollinaire: « D'avance il l'absolvit »
Ce poème est-il une ballade comme de nombreux poèmes allemands qui racontent sur le mode fantastique, une légende, dans laquelle un être humain est en lutte avec une créature surnaturelle ? Ou bien est-ce un conte comme le suggère le traditionnel « Il y avait » du premier vers? Ou encore est-ce une élégie, un chant de deuil, un poème lyrique, tendre et triste comme permettrait de le penser l'identification d'Apollinaire à la Loreley, la mal-aimée ? Ou une complainte, sorte de chanson populaire sur un sujet tragique ou pieux?
A la chanson populaire, Apollinaire emprunte les reprises plaintives comme « Mon coeur me fait si mal », répété trois fois. « Mon beau château », « il y avait une sorcière blonde » rappellent des refrains de chansons enfantines. Les rimes pour l'oreille plutôt que pour l'oeil montrent peut-être la destination orale du poème. Les distiques, à rimes plates ou simples assonances font aussi penser à la chanson populaire ainsi que la simplicité du lexique et l'emploi de la forme dialoguée. De plus les nombreuses assonances et allitérations de ce poème lui confèrent une grande musicalité(vers 10,11,30,31,32)
Mais Apollinaire, reprenant un thème et des formes traditionnels, inscrit aussi ce texte dans la modernité. Il supprime toute ponctuation. il joue sur les mots: «Riez »/«Priez », au vers l3 et inverse ainsi les rôles des personnages. Le mot flamme désigne à la fois les flammes de l'amour et celles du bûcher (vers 9,10,11). De nombreux alexandrins sont brisés ou allongés. Ainsi le vers 20 « Mon coeur me fit Si mal du jour où il s'en alla » est composé de 13 syllabes et son rythme heurté évoque la souffrance et le sanglot. Le vers 26, allongé jusqu'à 17 syllabes traduit le grandissement surnaturel du personnage