Le pin des landes
Observons tout d’abord que la personnification du pin est de plus en plus affirmée jusqu’à la comparaison avec le poète au dernier quatrain. Dans un premier temps, le pin n’apparaît que comme un arbre, jusqu’à ce qu’au quatrième vers le poète utilise à son propos les mots
« plaie » et « flanc » qui devraient caractériser un être animé (animal ou humain). Dans le second quatrain, l’humanisation du pin s’accentue, toujours par le biais de termes inadéquats à un végétal et, cette fois, propres à l’être humain exclusivement. Animé, humain, il devient acteur doué de volonté et sujet de verbes d’action au troisième quatrain, et même un héros, un homme accompli, quand Gautier le compare au « soldat blessé ». C’est juste après que le mot ambivalent « tronc » a rappelé que c’est sa verticalité physique qui le fait ressembler à un homme, que les mots « droit » et « debout » représentent une verticalité morale, le signe de sa dignité : le poème exhibe ainsi la transfiguration progressive qu’il met lui-même en oeuvre.
La personnification du pin est d’emblée (avec sa « plaie » au vers 4) et constamment associée à l’idée de souffrance et de dommage : le pin est humain en tant que victime. Dans le deuxième quatrain, les quatre mots placés à la césure, « dérober », « bourreau », « dépens » et
« douloureux », présentent ostensiblement le pin comme la victime d’un crime crapuleux, ce que souligne encore l’association par la rime des mots « résine » et « assassine ». Dans le troisième quatrain, l’assonance en ou donne à voir et à entendre le lent supplice du pin. Ce phonème, qui apparaît au premier vers du quatrain avec l’expression « coule goutte à goutte », se retrouve dans tous les mots placés à la rime (« goutte », « bout », route », « debout »), comme si la sève (et avec elle la vie du pin) s’écoulait le