Le procès kerviel
Au sujet de l’affaire Kerviel, Dino Jaegle écrivait pour Le Petit Juriste, ce 19 octobre, dans un article fort intéressant : « La somme à rembourser semble énorme et démesurée, mais le procès suit une logique implacable et totalement justifiée juridiquement : (…) Monsieur Kerviel est coupable, il doit donc rembourser, le juge ne fait qu’appliquer le droit : vous êtes dans la rue, votre sac contient 1000 euros, l’on vous le vole parce que par imprudence vous ne le regardiez plus, si l’on arrête le voleur, il vous devra ces 1000 euros, c’est la loi.. .» Sans revenir sur les faits de l’espèce, dont on imagine sans peine qu’ils ne peuvent être ignorés par le plus commun des mortels, eu égard à la curée médiatique qui a suivi la décision du tribunal, force est de constater que le caractère rationnel et même juridiquement justifié de celle-ci est loin d’être si évident1.
Rationnel d’abord, il n’est pas sûr que le tribunal correctionnel l’ait été : d’une part, la sanction pénale (cinq ans de prison, dont trois fermes ; interdiction définitive d’exercice de la profession d’opérateur financier) infligée à Jérôme Kerviel est en effet objectivement raide, d’autant qu’il s’agissait de son premier forfait. D’autre part, la sanction civile (4 915 610 154 € de dommages-intérêts), pour être symbolique, n’en est pas moins démesurée, quand on sait que la dette du jeune trader n’est pas destinée à être payée intégralement, si l’on s’en tient à ses propres déclarations. Elle illustre par conséquent à la perfection la formule « tout ce qui est excessif est insignifiant ». « Et irrationnel », serait-on tenté d’ajouter.
Juridiquement justifiée, la décision ne l’est pas non plus de façon si évidente. L’exemple du sac volé n’est en effet pas si facilement transposable au cas d’espèce. Certes, le tribunal a, par cette décision, consacré le sacrosaint principe de la réparation intégrale du préjudice, auquel il a donné plein effet. Sous cet