Le renouveau des élites
La France, dans son Histoire, a connu de nombreux épisodes charnières qui l’ont vu enterrer ses idoles et ses leaders passés pour se doter de nouveaux guides, porteurs d’un élan moderne et d’un espoir retrouvé dans l’avenir. Qu’ils se soient produits dans la violence et dans la rue ou dans la douceur d’une révolution silencieuse, ce mouvement perpétuel est le signe d’une société française qui, régulièrement, aspire à changer ses structures en même temps qu’elle réclame de changer ses modèles.
Tout porte à croire que nous sommes aujourd’hui à l’aube d’un tel changement. A l’opposé des thèses sur le déclin français, qui jetteraient bien volontiers le bébé avec l’eau du bain, la société française semble au contraire en pleine ébullition, forte d’une vitalité qu’on ne lui a pas connue depuis longtemps, soucieuse qu’elle est de réinventer ses élites sur les ruines de celles dont elle ne veut plus.
L’apprentissage du non
Après son élimination au soir du 1er tour de l’élection présidentielle de 1995, Edouard Balladur, Premier Ministre plébiscité par les sondages et les médias durant la quasi totalité de son mandat à Matignon, eut ce commentaire fort juste : « Les Français ont voulu tourner la page et j’étais dans la page ». Au-delà de l’explication de cet inattendu électoral, cet aveu prend une dimension symbolique, voire prémonitoire, dix ans après qu’il fut lâché par un candidat dont beaucoup ont pu dire depuis qu’il était celui du ou d’un système.
L’histoire est connue. Bien que porté par une météo sondagière longtemps au beau fixe et protégé par des médias durablement conquis, le candidat Balladur fut défait par le peuple français qui, pour l’une des premières fois, signifia sans sommation à ses élites politiques, médiatiques, économiques et intellectuelles qu’il n’entendait pas se laisser imposer un choix, fut-il celui d’élites visibles, symboles décriés d’une pensée unique.