Le renégat

3603 mots 15 pages
La violence comme structure narrative dans « Le renégat ou un esprit confus » d’Albert Camus

« Le Renégat ou un esprit confus », l’une des plus obscures et des plus troublantes nouvelles rassemblées dans L’Exil et le royaume, constitue à plusieurs titres une mise en scène privilégiée de la violence comme stratégie narrative. Monologue étrange d’un missionnaire catholique dont la langue a été coupée par le peuple qu’il tentait d’asservir, critique ironique d’un délire fanatique – celui de religions dont la sacralité ne rassemble ici les individus qu’en les opposant dans une barbarie hallucinatoire, le texte camusien fait apparaître le conflit absurde dans lequel son narrateur s’engage comme une vaine tentative de retrouver à travers la narration de soi une image ordonnée du réel. Des multiples formes (physique, langagière, spirituelle, politique et identitaire) que prend ici le chaos, le conflit ne semble n’en faire ressortir aucune en tant qu’objet d’une véritable saisie intellectuelle. Mais ce caractère aporétique de la violence narrative paraît avoir lui-même pour tâche de nous donner à penser. L’acte central nous semble ici résider dans la conversion-mutilation du « renégat », qui présente la violence sous l’aspect d’un corps livré à une assimilation forcée et bien physique (ablation de la langue) à cet autre organisme qu’est le corps politique de la tribu païenne. Ne faut-il alors pas être conduit à reconnaître l’antithèse structurante de la narration dans le rapport de l’individu au groupe, ou plutôt du bourreau à la victime dont le conflit est ici exacerbé à travers l’essentielle réversibilité du processus de domination ? Si le renégat est bien un corps menaçant pour la société, incarnation d’une blessure collective, le groupe n’en fait-il pas également une victime expiatoire, un bouc émissaire, en tentant d’inscrire dans sa chair une vérité indélébile ? Outil de cohésion par la coercition, la violence comme fait social semble à l’origine d’un ordre

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