le Roi christophe de Aimé Césaire
A. Césaire : Tout d’abord, je désire insister sur le fait que la tragédie du Roi Christophe représente un épisode authentique de l’Histoire d’Haïti. En France, beaucoup de gens m’interrogent sur le Roi et croient que c’est une histoire imaginaire. Il n’en est rien. Nous avons une documentation extrêmement détaillée sur le règne du Roi Christophe, les ruines de la Citadelle qu’il a construite pour commémorer à tout jamais la libération d’Haïti existent encore.
La pièce respecte scrupuleusement l’histoire, les événements, au point que beaucoup de mots prononcés par Christophe sont historiques, parfois rapportés tels quels. C’est donc une pièce haïtienne, Antillaise avant tout. J’ai même essayé de donner à la langue française cette couleur antillaise, à la fois dans le vocabulaire et la syntaxe. Cette atmosphère authentique, on la retrouve aussi dans une certaine emphase, très caractéristique de la vie politique haïtienne.
Cela, pour mettre en garde contre les analogies trop rapides. Mais, il est clair que par-delà Haïti, le Roi Christophe de ma pièce s’adresse à l’Afrique (indirectement, si vous voulez). J’ai été frappé moi-même, et si j’ai choisi ce sujet, c’est pour cela, par l’intérêt que l’épisode du Roi Christophe présente, et les analogies qui existent entre les problèmes qu’il eut à résoudre et ceux auxquels doivent faire face les pays sous-développés.
Aucune analogie n’est totale, mais en fait le Roi Christophe, c’est un peu l’homme d’Etat aux prises avec les problèmes de l’indépendance réalisée, quand il faut édifier l’Etat : c’est à ce moment-là que se présentent les grands problèmes : liberté, démocratie ou