Le romancier et ses personnages
Une fois achevée la lecture du roman, on s'aperçoit que la destinée du personnage dépend, à un premier niveau, de l'idée que celui-ci se fait de lui-même et du monde. Puis l'on constate, à un degré plus profond, que l'existence du personnage dépend de la manière dont le narrateur conçoit l'homme, la réalité sociale, les rapports humains : le personnage (du moins le ou les figures principales du texte) a pour mission primordiale de traduire le sens qu'un écrivain attribue à une réalité historique et sociale, si fictive soit-elle. Un personnage de roman représente une conception de la personne : une certaine idée de l'homme, une certaine vision du monde parlent à travers son masque. Ce masque est complexe, car une figure romanesque est à la fois le personnage ayant un rôle et l'acteur chargé de le jouer : en tant qu'acteur, le personnage de roman est le porte-parole d'un narrateur exprimant par une écriture les multiples aspects de sa conscience.
II. La notion de héros
Un personnage romanesque est souvent héroïque, il n'est jamais un héros. Ce dernier accomplit avec une constance exemplaire un destin décidé par les dieux ou un dessein dicté par le devoir. Œdipe et Antigone, Achille et Ulysse, Lancelot et Siegfried, Hamlet et Macbeth ont en commun l'invariabilité : sauf en de rares moments de faiblesse ils vont dans le sens d'une même éthique supra ou extra-humaine. Le « héros de roman », par contre, obéit à la loi du changement. Il suit un itinéraire jalonné d'obstacles ou de conflits qui le modifient, sinon le transforment. Au terme de leur aventure, Rastignac, Julien Sorel, Raskolnikov, Emma Bovary, Lord Jim ne sont plus les mêmes êtres qu'à son début.
a) Evolution du