Le romantisme et le mal de siècle
La période de la Restauration est traversée de courants contradictoires. Aidés des congrégations religieuses qu’animent les principes de la Sainte-Alliance, les ultraroyalistes remettent en cause les conquêtes de la Révolution et de l’Empire. La bourgeoisie libérale, positiviste et matérialiste, forte des progrès scientifiques, préside à l’éclosion d’un monde nouveau. Le moderne s’oppose à l’ancien.
En art, le classique s’oppose au romantique. La France s’ouvre aux influences européennes. Perdue entre les deux, la jeunesse est plongée dans « le mal siècle », fuyant le présent et la réalité en se réfugiant dans le passé, dans la religion, dans l’inconnu. Elle hisse l’imagination au rang de « reine des facultés » et regarde l’art comme le seul moyen de faire face. Déjà gagné, grâce à Mme de Staël, au drame philosophique allemand (Faust de Goethe), au roman anglais (Walter Scott), à la poésie lyrique (lord Byron), Delacroix trouve chez Dante, Shakespeare ou Ossian une source d’émotion nécessaire à son art. Le chant VIII de l’Enfer de La Divine Comédie inspire à Delacroix le sujet de son premier « coup de fortune » au Salon de 1822.
Dante et Virgile, debout sur une barque que guide Phlégias, traversent le Styx, vers l’infernale Cité. Les damnés s’agrippent à leur barque pour tenter de s’échapper. Virgile saisit la main gauche de Dante, qui, effrayé, lève le bras droit pour se protéger.
Amplement drapés, les corps des poètes sont à peine suggérés. La tête couverte de Dante, et celle couronnée de laurier de Virgile, reflètent la force de l’âme et contrastent avec la torsion des corps des damnés et du torse de Phlégias.
Au premier plan à gauche, un homme retient la barque avec ses dents. Son visage est déformé par l’effroi, et ses yeux exorbités. Celui qui essaie de monter est « la meilleure tête » d’après Delacroix qui la peignit rapidement, sous l’effet électrisant de la lecture du chant VIII par son ami Pietri et de la