LE TABLIER DE L’ APPRENTI

Vénérable maître et vous tous mes frères en vos rangs, grades et qualités,

Figurez- vous, mes biens chers frères qu’il m’ est arrivé, il y a peu, une aventure pas ordinaire qui aurait pu inspirer un fabuliste. De passage chez ma blanchisseuse, où j’avais donné à laver ma chemise blanche, ma veste noire, mes gants et mon tablier : en somme, ma tenue de tenue, quelle ne fut pas ma surprise, alors que je faisais la queue pour les récupérer, d’entendre du coin où ils étaient suspendus, avec d’autres vêtements de travail, blouse blanche, bleus de travail et diverses vestes de couleurs et formes différentes, d’entendre, donc : des murmures puis des chuchotements. Intrigué et curieux, je fis un pas de plus et là, mes chers frères, les yeux écarquillés, les oreilles tendues à l’extrême je vis et j’entendis mon tablier qui ceinturant fièrement ma veste tenait une discussion de comptoir avec les autres vêtements présents à ses côtés. Ebahi et incrédule, voici mes bien chers frères, les propos que j’entendis ou crus entendre.

- Chère amie, vous savez, je suis moi, avant tout, un vêtement de travail ! disait une blouse blanche, d’un ton détaché.

- Moi, je ne suis plus un vêtement de travail, je suis un symbole, reprit mon tablier

- Ah ! Bon ! Et c’est quoi : un tablier symbole ? lui demanda le bleu de travail . Un autre enchaîna sur un ton sarcastique : « Tu n’as même pas de poches, tu es tout petit, et blanc comme tu es, tu ne dois pas te salir souvent ? » la réponse de mon tablier fut immédiate.

- Sachez mes amis, que je suis un moyen de reconnaissance à une appartenance, à un groupe social, que je protège l’apprenti, que je lui impose le silence en tenue, et que je lui permets l’introspection nécessaire à sa propre remise en cause. De plus, la peau dont je suis fait est à la fois souple et imperméable elle le protège contre tout ce qui pourrait venir altérer son travail et enfin, chers amis, ce n’est pas n’importe qu’elle peau