Le théâtre doit-il exprimer le réel ?
Le fait est que s’il peut prendre beaucoup de libertés, le théâtre est souvent le miroir, quoique déformant, de la réalité.
Avant tout, un texte théâtral est une fiction.
Ainsi, même s’il est limité par la mise en scène, il permet ce que le réel ne permet pas. Les pièces démontrant le mieux ce fait sont celles utilisant l’absurde : par exemple, dans un texte de Ionesco, les personnages se transforment peu à peu en rhinocéros. Plus subtile, En attendant Godot, de Beckett, montre un dialogue qui serait possible dans la réalité mais pas pour autant réaliste, les personnages parlant de choses absurdes ou sans vraiment dire quoique ce soit d’utile. En ce sens, une pièce de théâtre serait plus proche d’un rêve, comme le dit le personnage de Lechy dans l’Échange de Paul Claudel, c’est-à-dire d’une autre réalité, déconnectée de celle que l’on vit d’ordinaire, dans laquelle le fantastique ou l’absurde peut exister.
Aussi, le théâtre exagère ou simplifie généralement les situations et les caractères. Dans un grand nombre de pièces, les personnages sont soit bons soit mauvais, produisant une vision manichéenne et simpliste du monde. C’est ainsi que Don Juan, dans l’oeuvre éponyme de Molière, rassemble presque tous les défauts tandis que Don Elvire est présentée comme une sauveuse essayant de le ramener sur le droit chemin. Les personnages de Molière n’ont d’ailleurs souvent qu’une facette, les rendant peu naturels, à l’image de l’Avare. Dans la même idée, la chute à la fin d’une pièce, telle qu’une révélation ou la mort brutale d’un personnage, n’a en général pas d’équivalent dans la vie réelle.
Le texte théâtral relève donc en premier lieu de la fiction, s’éloignant du