Le voyage au bout de a nuit commentaire
Ainsi, la partie coloniale du « Voyage », située après la Guerre et avant l’Amérique, est applaudie, à sa parution, par la frange de l’opinion anticolonialiste. Et si le narrateur, qui n’est que témoin, reste un spectateur impartial de la scène d’humiliation du noir, il a au moins le mérite de mettre au jour une réalité que bien d’autres cherchent à dissimuler.
En effet, ce qui est présenté comme une entreprise de civilisation (notamment à travers les expostitions coloniales), est en réalité, à bien des égards, un processus de décivilisation qui transparait d’abord par le langage, qui en est à la fois le vecteur et l’expression, puis s’exerce sur les noirs qui en sont la cible, mais également, de façon paradoxale, sur les maîtres, les blancs. Selon la célèbre formule de Lévi-Strauss, le barbare n’est-il pas d’abord celui qui croit à la barbarie ?
La dégradation du langage s’effectue d’abord par l’emploi du « petit noir », déformation du français typique des autochtones noirs qui bien que ne maîtrisant pas le parler français, s’essaient tout de même à ce sabir. Ce « petit noir », qui est donc d’abord une déformation de la langue, est récurrent, et ce, dès le début du passage (l.2 : « Nous y a pas bouffer sauvages » ou bien l.19 « Toi y a pas savoir argent »). Ce langage se reconnaît à sa pauvreté lexicale et l’absence de noms est compensée par l’ajout constant du pronom adverbial « y ». On se souvient tous de l’emblématique « Y’a bon » du chocolat en poudre Banania. Plus sérieusement, le « petit noir » est aussi un « outil » linguistique qu’emploient les