Les cobustibles
Les combustibles
Albin Michel
Au fond de la pièce, une immense bibliothèque surchargée de livres couvre tout le mur. Le reste de la salle frappe par son dénuement : ni tables, ni bureau, ni fauteuil, seulement quelques chaises en bois et, à droite, un énorme poêle en fonte.
Un homme d’une cinquantaine d’années est assis sur une chaise et écrit sur une liasse de papiers qu’il tient sur ses genoux. Il porte un pull à col roulé.
Entre un homme d’une trentaine d’années, vêtu d’un gros manteau qu’il n’enlève pas.
DANIEL. Vous travaillez déjà ?
LE PROFESSEUR (sans même le regarder). Depuis une heure. Daniel prend une chaise et la porte près du poêle. Il s’y
assied.
DANIEL. Vous étiez moins matinal, avant la guerre.
LE PROFESSEUR. Le froid m’empêchait de dormir. Je devenais fou dans mon lit ; j’ai fini par me lever. C’est bizarre, mais on gèle beaucoup moins quand on est assis.
DANIEL. C’est parce que vous travaillez : ça vous fait penser à autre chose qu’à la température.
LE PROFESSEUR. Je crois que la position aussi joue un grand rôle : quand on est couché, on présente moins de résistance au froid. C’est une impression, en tout cas.
DANIEL. Et à quoi travaillez-vous ?
LE PROFESSEUR. Vous allez rire, Daniel. : je rédige – quoi donc ? un cours ? un exposé ? des pensées ? — sur le dernier chapitre du Bal de l’observatoire.
DANIEL. De Blatek ?
LE PROFESSEUR. Vous connaissez un l’observatoire écrit par quelqu’un d’autre ?
Bal
de
DANIEL. Comprenez-moi, Professeur : je vous connais depuis des années et je ne vous ai jamais entendu dire que du mal de Blatek.
LE PROFESSEUR. Vous me connaissez depuis des années, mais depuis combien de temps habitez-vous avec moi ?
DANIEL. Depuis que les Barbares ont démoli mon quartier. C’était il y a deux mois, déjà.
LE PROFESSEUR. Et en deux mois, Daniel, vous avez pu me regarder vivre. M’avez-vous vu lire Faterniss ?
DANIEL. Non.
LE PROFESSEUR. M’avez-vous vu