Les enjeux de la mediatisation
* Le discours dominant des médias occidentaux ne fut pas sans conséquence au Darfour. Il contamina la parole des acteurs du conflit, en particulier des rebelles et des déplacés, qui commencèrent à se désigner comme « africains » et à utiliser le mot « génocide » à propos de n’importe quel incident ayant entraîné des morts. Se sentant soutenus par les médias et par l’Occident en général, ils devinrent plus durs dans les négociations. Le discours du chef rebelle Abdelwahid Mohamed Nur, exilé en France, s’orienta bien plus que lorsqu’il était sur le terrain vers une critique radicale du régime de Khartoum comme «islamiste». * Au Tchad aussi, les médias ont influencé la situation, et peut-être pas pour le mieux. Dans l’Est, tout Arabe ou presque est maintenant appelé « Janjawid », un mot inconnu avant le conflit du Darfour, tandis que les non-arabes sont surnommés « Toro-Boro », le surnom donné aux rebelles au Darfour. Les divisions ont été aggravées. La confusion les deux crises permet aussi au président Idriss Déby de se présenter comme victime de tentatives soudanaises d’arabiser et d’islamiser le Tchad, et de nier ses propres problèmes. Enfin, cela permet à la France de présenter sa contestable politique tchadienne comme destinée à préserver les réfugiés du Darfour. Le Darfour est souvent décrit comme une « guerre oubliée ». * Mais la couverture médiatique n’est pas qu’une question de quantité. Et la qualité ? Au Darfour, le fossé est énorme entre ce qui est rapporté dans la plupart des médias, et ce qui est décrit dans les écrits d’une poignée d’experts, d’humanitaires et de journalistes spécialisés. Il est difficile de spéculer, mais on peut se demander si la médiatisation du conflit ne rend pas plus difficile sa résolution. A rebours, il faut un haut degré d’ethnocentrisme pour s’imaginer qu’il fallait que les médias occidentaux parlent du Darfour pour que la violence y prenne fin. Le journaliste