Les essais chapitre 3
1. Personne n’est exempt de dire des bˆetises. Ce qui est grave, c’est de les dire s ́erieusement.
Voil`a quelqu’un qui va faire de grands efforts Pour me dire de grandes sottises.
Cela ne me concerne pas : je laisse ́echapper les miennes pour ce qu’elles valent. Grand bien leur fasse. Je pourrais les aban- donner tout de suite sans grande perte, et je ne les ach`ete et ne les vends que pour ce qu’elles p`esent. Je parle au papier comme je parle au premier venu. Et que cela soit vrai, vous en avez la preuve sous les yeux.
2. La perfidie ne doit-elle pas ˆetre bien d ́etestable, pour que Tib`ere l’ait refus ́ee au prix d’un tel sacrifice? On lui fit savoir d’Allemagne que s’il lui plaisait, on le d ́ebarrasserait d’Ariminius en l’empoisonnant : c’ ́etait le plus puissant ennemi des Romains et quand ils ́etaient sous le commandement de Varus, il les avait tr`es ignominieusement trait ́es ; lui seul faisait obstacle `a l’expansion de la domination romaine en ces contr ́ees. Tib`ere r ́epondit que le peuple romain avait l’habitude de se venger ouvertement de ses ennemis, les armes `a la main, et non en fraude et en cachette : il laissa l’utile pour l’honnˆete.
3. C’ ́etait, me direz-vous, un imposteur. Je le crois. Ce n’est pas tr`es ́etonnant chez les gens de sa profession. Mais la recon- naissance de la vertu n’a pas moins de port ́ee dans la bouche de celui qui la hait : la v ́erit ́e la lui arrache de force, et s’il ne