Les mathématiciens sont des rêveurs
Revue Sciences Humaines n°221 – Décembre 2010 – Aline Mohen-Vincent Pour beaucoup, les mathématiques sont une discipline très technique, ne faisant appel à aucune autre faculté de l’esprit que celle de la « fibre mathématique ». Mais comme ce n’est pas la majorité qui a toujours raison, Aline Mohen-Vincent a interviewé Cédric Villani (Médaille Fields en 2010) pour tenter de mettre fin à ces préjugés. Il s’agit ici de considérer l’imagination comme véritable composante de la recherche mathématique, et son origine même. L’imagination est le processus d'inventer un champ personnel, partiel ou complet, à travers l'esprit, à partir d'éléments dérivés de perceptions sensorielles de l'existence commune. Ainsi un concept immesurable, propre à chacun, sans limite, peut-il être l’origine d’un domaine où la rationalité prédomine. Peut-on considérer l’imagination comme rationnelle ? L’imagination a un rôle majeur dans la découverte mathématique, imagination qui manipule des images mentales (formes, structures) et leur donne vie. Une hypothèse évolutionniste de l'imagination humaine dit qu'elle aurait permis aux êtres dotés d'une conscience de résoudre les problèmes. Quelle est la limite entre l’imagination et la réalité? Entre la folie et la raison ? Pour éclairer ces questions, l’auteur a recueilli le témoignage d’un jeune mathématicien de 37 ans, Cédric Villani, qui a obtenu la médaille Fields en 2010. Son témoignage s’accorde à celui de grands mathématiciens de renom tels qu’Henri Poincaré (1854-1912), Jacques Hadamard (1865-1963), ou bien même Alain Connes (Médaille Fields en 1982). Tous ont laissé ou laissent une grande place à l’imagination dans leurs travaux. Alain Connes précise que l’imagination permet de contourner un problème qui résiste, de s’en éloigner et de laisser venir «