Les points de suspension
Les points de suspension, signe apparu au XVIIème siècle, n’ont cessé de susciter une certaine perplexité étant donné leur caractère ambivalent. A la fois le lieu d’un manque et le lieu d’un « dire en plus », le point de suspension oscille entre défaut ou un excès qui affectent également le sens. Furetière, en 1690, le signale en des termes fort explicites : « Plusieurs points après un mot, c’est signe que le sens est imparfait, qu’il y a quelque lacune, ou quelque chose à ajouter ». En effet, d’un côté, les points de suspension présentifie un espace vide (une lacune) où le possible sémantique est simplement suggéré et, dans tous els cas, où l’attente du sens se trouve différée ; de l’autre, il signale l’infinitude d’un « dire en plus » dont on ne peut pas mesurer la limite puisque le pluriel du sens ainsi évoqué autorise une infinité de possibles. On peut donc d’emblée y signaler l’ambiguïté d’un double mouvement de suppression et d’ajout « en instance ». Claudel manifestait en 1906 à cet égard un malaise sans nuance : « J’ai hérité de Mallarmé son horreur pour cette figure typographique. Un point, c’est tout, et trois points, ce n’est pas tout… » Figure typographique, le point de suspension est ainsi de manière attestée une forme d’ajout, mais en même temps nous pouvons nous demander en quoi précisément il est une « forme d’ajout » d’après son fonctionnement en langue et en discours, et plus précisément encore à travers quelques-unes de ses manifestations linguistiques dans la configuration du texte littéraire. Il s’agit en effet de montrer quelle est l’incidence des points de suspension sur la topographie du texte littéraire afin d’interroger son caractère de forme ou de figure sur le plan linguistique. I. Fonctions des points de suspension : suspension du son et du sens. II. Musicalité des points de suspension : entre rythme et inachèvement. III. Une esthétique pointilliste en littérature ?
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I- Fonctions