Les précieuses ridicules
Magdelon, Cathos, Gorgibus Gorgibus Il est bien nécessaire vraiment de faire tant de dépense pour vous graisser le museau. Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces Messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous avois-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulois vous donner pour maris ? Magdelon Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé irrégulier de ces gens-là ? Cathos Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût accommoder de leur personne ? Gorgibus Et qu'y trouvez-vous à redire ? Magdelon La belle galanterie que la leur ! Quoi ? débuter d'abord par le mariage ! Gorgibus Et par où veux-tu donc qu'ils débutent ? par le concubinage ? N'est-ce pas un procédé dont vous avez sujet de vous louer toutes deux aussi bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien sacré où ils aspirent, n'est-il pas un témoignage de l'honnêteté de leurs intentions ?
Magdelon
Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu vous faire apprendre le bel air des choses.
Gorgibus
Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est une chose simple et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens que de débuter par là.
Magdelon
Mon Dieu, que, si tout le monde vous ressembloit, un roman seroit bientôt fini ! La belle chose que ce seroit si d'abord Cyrus épousoit Mandane, et qu'Aronce de plain-pied fût marié à Clélie !
Gorgibus
Que me vient conter celle-ci ?
Magdelon
Mon père, voilà ma cousine qui vous dira, aussi bien que moi, que le mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux, le tendre et le passionné, et que sa recherche soit dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la promenade, ou dans quelque cérémonie publique, la