Les recettes fordistes et les marmites de l'histoire
Pour résumer, il y eut émergence, au cours des quelques années qui précèdent la première guerre mondiale, d'une innovation fordienne enracinée dans une tradition nationale et spécifique d'un secteur particulier. Elle donna naissance à un paradigme à vocation universelle, le modèle Ford I, un cas particulièrement exemplaire et clair puisque Henry Ford procède aux innovations, théorise (ou fait théoriser), puis diffuse massivement ce paradigme, transférant en outre lui- même son système productif (§ 1). Ce paradigme nouveau, extrêmement agressif, appuyé sur une propagande vigoureuse, tend à être adopté tel quel par de nombreux constructeurs en France, en Italie, en Allemagne (nous ne parlerons que du transfert en France), certains constructeurs restant plus longtemps attachés aux paradigmes nationaux ou au paradigme européen. Cela ne signifie pas que les systèmes réalisés sont conformes au modèle : le transfert, confronté à des réalités spécifiques, s'adapte (§ 2). Le système Ford I n'était pas viable. Alors même que ce paradigme domine encore et se diffuse, ce système entre précocement en crise (durant les années vingt) avec la montée des conflits sociaux et de la concurrence. La production de masse doit rechercher, sinon la flexibilité, du moins la diversification des produits et un système « sloanien » s'impose, mais il n'y a pas naissance d'un nouveau paradigme à vocation généralisante. Durant la grande crise et la seconde guerre mondiale, dans des directions différentes, sont expérimentées des innovations politiques et sociales, des transformations juridiques et institutionnelles qui seront systématisées et généralisées, sous des formes nationales variées, dans les années d'après-guerre. Il en sortira un fordisme