Lettre de guerre
Chère Madeleine, Trop longtemps déjà que je veux t’écrire, mais ce n’est que maintenant, en bientôt quatre ans de guerre, que j’ai trouvé le temps de te consacrer ces lignes. Comment vas-tu Madeleine ? Comment tes parents vont ? J’espère que vous irais encore mieux après lecture de cette lettre. Pour ce qui est de moi, je ne préfère pas parler de comment je vais pour l’instant… Si je t’écris aujourd’hui, c’est d’abord pour te conter mes aventures, parfois difficiles et d’autres fois joyeuses. Oui il nous arrive, des fois, de rire ! Mais il faut aussi que je te dise à quel point les tranchées sont répugnantes… Avant de te décrire les conditions de vie dans les tranchées, comme je sais à quel point tu es fragile, prépare un seau ou autre récipient, qui te permettra de rendre en toute sécurité. J’exagère bien sûr. Quoique, non… Bref, te rappelles-tu ces toilettes publiques que l’on méprisait tant ? Et bien elles sont semblables aux tranchées. Te rends-tu compte, maintenant, pourquoi je ne voulais pas y aller ? Des rats, insectes, encore des rats, des araignées, des cafards, encore des rats. La nuit je n’arrive pas à dormir, quand j’en ai l’occasion, je sens la boue humide et suintante couler tout au long de mon corps, j’entends en permanence le bruit des rats en train de manger nos provisions. Tous les matins je me lève vers 6h00 – 7h00 – à vrai dire mes heures de réveil sont très irrégulières –, et je m’en vais faire la guerre, tuer, voir mes amis se faire tuer, je m’étonne toujours qu’en autant de temps, je ne sois toujours pas mort. Mes oreilles sursautent littéralement à chaque coup de feu. Le sifflement des balles, traversant le champ de bataille, m’assourdit de jour en jour. Tu me manques tellement, je t’aime, pourvu que je sois toujours en vie pour te revoir un de ces jours.
Je t’aime,