Lettres
Julien Benda emploie une métaphore religieuse, celle du sacrifice (« immoler » = « sacrifier »). Selon lui, La Bruyère vouerait un culte à « l'effet littéraire », comme on voue à culte à une divinité que l'on adore et que l'on sert en espérant recevoir en échange sa protection, ses bienfaits. L'écriture de La Bruyère serait donc vouée à le servir comme une divinité.
La thèse de J. Benda est que La Bruyère est prêt à tout pour produire un « effet » sur son lecteur, y compris à sacrifier la vérité.
J. Benda nuance son propos en employant l'expression « s'il le faut », qui signale que le sacrifice consenti par La Bruyère n'est pas systématique : La Bruyère privilégie l'effet littéraire et peut donc aller jusqu'à lui sacrifier la vérité, au besoin (si la production de l'effet littéraire en dépend, si elle l'exige).
A. La Bruyère met parfois en œuvre jusqu'à l'invraisemblance les artifices de la comédie. Exemple : Dans le portrait de Ménalque (XI, 7), la caricature est tellement exagérée que son invraisemblance risque de nuire à la dénonciation : il est invraisemblable que quelqu'un accumule autant d'étourderies en si peu de temps. (Voir le texte pour des exemples précis). La Bruyère est dans l'infraction par rapport aux intentions qu'il exprime dans sa préface (faire le « portrait » des hommes « d'après nature » et n'écrire que pour corriger leurs défauts (« c'est l'unique fin que l'on doit se proposer en écrivant », Préface des Caractères, p. 117)
Voyez à ce sujet les notes de lecture que je vous ai envoyées, extraites de deux articles de Jules Brody et de Louis