Linguistique
1 Monogénèse et polygénèse
La question de l'origine des langues a toujours suscité de nombreuses hypothèses et mis a contribution les travaux tant des anthropologues, que des archéologues, des généticiens, des linguistes, etc. En 1865, la Société de linguistique de Paris avait informé ses membres dans ses règlements qu'elle ne recevrait «aucune communication concernant [...] l'origine du langage». Mais la question a continué néanmoins à hanter les linguistes et la recherche d'une langue mère unique s'est poursuivie, si tant est qu'une telle langue ait existé. Dans L'Homme de paroles (Fayard, 1996), le linguiste français Claude Hagège réfute le mythe d'une langue commune unique : Contrairement à l'idée courante, il est très probable que l'immense diversité des idiomes aujourd'hui attestés ne se ramène pas à une langue originelle unique pour toute l'humanité. S'il y a unicité, c'est celle de la faculté de langage propre aux hominiens et non celle de la langue elle-même. À l'origine, donc, une seule espèce (monogénétisme de la lignée), mais non un seul idiome (polygénisme des langues). |
Néanmoins, l'idée d'une langue mère relève d'un fantasme ancien. Dès le Moyen Âge, on croyait à l'existence d'une langue originelle de l'humanité, jusqu'à ce que la colère de Dieu intervienne après l'épisode de la tour de Babel. Pendant longtemps, on a cru que l'hébreu était la langue d'Adam et d'Ève, d'autres ont pensé au latin ou au grec. Pour leur part, les musulmans ont toujours cru que la première langue de l'humanité était l'arabe. À partir du XIXe siècle, certains linguistes ont persisté dans ce type de recherche; ils ont été suivis par des spécialistes de la génétique des populations. L'un des livres les plus connus sur le celui fut celui de l'Américain Merritt Ruhlen (né en 1944) dans L'origine des langues (1994, mais 1997 en français). Ses travaux proposant une origine commune (la monogenèse) ont alimenté une controverse vieille de plusieurs