Livre i, chapitre 8, « de l’oisiveté »
Sicut aquæ tremulum labris ubi lumen ahenis
Sole repercussum, aut radiantis imagine Lunæ,
Omnia pervolitat latè loca, jamque sub auras
Erigitur, summique ferit laquearia tecti.1
Et n’est folie ny réverie2, qu’ils ne produisent en cette agitation,
velut ægri somnia, vanæ
Finguntur species.3
L’ame qui n’a point de but estably, elle se perd : Car comme on dit, c’est n’estre en aucun lieu, que d’estre par tout.
Quisquis ubique habitat, Maxime, nusquam habitat.4
Dernierement que je me retiray chez moy, deliberé autant que je pourroy, ne me mesler d’autre chose, que de passer en repos, et à part, ce peu qui me reste de vie : il me sembloit ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oysiveté, s’entretenir soy-mesmes, et s’arrester et rasseoir en soy : Ce que j’esperois qu’il peust meshuy5 faire plus aysément, devenu avec le temps, plus poisant, et plus meur : Mais je trouve,
variam semper dant otia mentem6,
qu’au rebours faisant le cheval eschappé, il se donne cent fois plus de carriere à soy-mesmes, qu’il ne prenoit pour autruy : et m’enfante tant de chimeres et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre, et sans propos, que pour en contempler à mon ayse l’ineptie et l’estrangeté, j’ay commencé de les mettre en rolle7 : esperant avec le temps, luy en faire honte à luy mesmes.