Ma bohême
C'est un sonnet, qui évoque les fugues du poète. Rimbaud y peint son autoportrait en coureur de chemins, ivre d'espace et de liberté. La nature, image féminine et fantastique, l'accueille et le protège comme une mère. Son bonheur, c'est la poésie. Et nous verrons qu'on peut aussi lire ce sonnet comme un petit manifeste théorique de Rimbaud sur sa conception de la poésie, une sorte d'art poétique.
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I - Autoportrait de l'artiste en coureur de chemins Si l'on compare ce poème à d'autres textes du deuxième cahier de Douai qui relatent les fugues de l'été 70, on remarque une différence : ici, pas de "choses vues", pas de rencontre comme dans "Le cabaret vert" ou dans "La Maline". Rimbaud est lui-même au centre du poème. La première personne est omniprésente (8 fois "je"; 8 fois l'adjectif possessif mon, ma ou mes). Il se décrit : ses sensations, ses vêtements, l'une de ses attitudes à la fin du poème (quand il se peint "assis au bord des routes", affairé autour de ses "souliers blessés").
- Un pauvre vagabond : Rimbaud se plaît à se décrire comme un pauvre vagabond. Ses vêtements sont élimés (son "paletot" était si usé qu'il n'était plus qu'une "idée" de paletot (vers 2)). Ses poches sont "crevées" (v.1). Son pantalon est troué (v.5). Ses souliers sont abîmés par la marche (v.14). La comparaison avec le Petit Poucet (vers 6) suggère l'errance. Le vers 7 indique qu'il dort à la belle étoile. On peut se demander dans quelle mesure cet autoportrait est réaliste; dans quelle mesure nous n'assistons pas à la construction d'un mythe, où Rimbaud le fils de famille se métamorphose en un pauvre orphelin semblable aux