Ma bohème
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot soudain devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur.
I Autoportrait de l’artiste coureur de chemin
(un pauvre vagabond : « paletot » : tellement usé qu’il n’est plus qu’une idée de paletot.
« poches crevées »,pantalon troué, « souliers blessés »
(La comparaison avec le Petit Poucet suggère l’errance
(Longues marches dans la campagne : répétition du verbe aller / « course » : long itinéraire, « assis au bord des routes » : il en a parcouru beaucoup.
( Imparfait, temps de la répétition ou de l’habitude : « je m’en allais », « j’égrenais » : les actions mentionnées sont donc renouvelées à plusieurs reprises.
(Importance de l’espace céleste : « grande ourse », « étoiles » : cet immense horizon est synonyme de liberté : la destination du voyage n’est pas précisée.
(Bohème : précarité/misère assumée qui rime avec création et imagination.
La bohême de Rimbaud est associée à la liberté et à la créativité.
(Dénouement matériel exprimé dans le poème pourtant : « mes poches », « mon paletot » « mes étoiles » « mon auberge » : pour posséder le monde il faut d’abord se déposséder ; Rimbaud possède le ciel et la nature
(La nature est présentée comme une figure féminine protectrice : la « grande ourse » est une auberge, la rosée du matin un « vin de vigueur ».
On peut parler d’une sorte de relation amoureuse entre me poète et la nature : « doux frou-frou