Machiavel et le machiavélisme
Machiavel est aujourd’hui encore présenté comme un homme cynique dépourvu d’idéal, de tout sens moral et d’honnêteté, ce que définit l’adjectif machiavélique. Or, ses écrits montrent un homme politique avant tout soucieux du bien public, qui cherchait à donner à la République de Florence la force politique qui lui manquait à une période où, paradoxalement, elle dominait le monde des arts et de l’économie. Cependant il ne nourrissait aucune illusion sur les vertus des hommes.
Ainsi, les interprétations les plus courantes à son sujet, sinon les plus pertinentes, se divisent en celles qui en font le héraut du machiavélisme, pour qui la fin justifierait les moyens (par exemple Léo Strauss ou tout le courant de l'anti-machiavélisme), tandis que d'autres en font un représentant éminent du courant du républicanisme, tel que, par exemple, Rousseau, qui écrit « En feignant de donner des leçons aux rois, il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince est le livre des républicains »[2], ou Philip Pettit et Quentin Skinner.
En 1578, Innocent Gentillet publia un essai après le massacre de la Saint-Barthélemy pour réfuter l'œuvre de Machiavel. L'ouvrage obtint une diffusion considérable à travers toute l’Europe et contribua à établir les malentendus durables sur l’œuvre de Machiavel et ses interprétations. Comme si la révélation publique des ressorts du pouvoir rendait Machiavel responsable de sa corruption et des moyens de tous temps employés pour le conserver. En révélant ces mécanismes, éventuellement en recommandant leur usage lorsque la situation l'exige et que la faiblesse de caractère pourrait avoir des conséquences encore pires, Machiavel tentait de montrer une voie pour en sortir tout en n'évacuant jamais de ses raisonnements sa méfiance constante vis-à-vis de la nature humaine, c'est la naissance d'un point de vue unique d'un homme de terrain, d'un théoricien de génie, d'un écrivain dont Nietzsche fera l'éloge stylistique[3], et