Marché et sociétés
A - LA CONSTRUCTION HISTORIQUE ET SOCIALE DU MARCHÉ a) - Le marché est un ordre naturel selon les libéraux 1 - Cette division du travail, de laquelle découlent tant d’avantages, ne doit pas être regardée dans son origine comme l’effet d’une sagesse humaine qui ait prévu et qui ait eu pour but cette opulence générale qui en est le résultat : elle est la conséquence nécessaire, quoique lente et graduelle, d’un certain penchant naturel à tous les hommes qui ne se proposent pas des vues aussi étendues : c’est le penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et échange d’une chose pour une autre [...]. L'homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il l' at- tendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur intérêt personnel et s'il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu'il souhaite d'eux. C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque ; le sens de la proposition est ceci : Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même ; et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont si nécessaires, s'obtient de cette façon. Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; ce n'est jamais de leur besoin que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage.[...] Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leur entreprise de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses.
( Source : Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de