mes vers fuiraient doux et frêles
La source tombait du rocher
Goutte à goutte à la mer affreuse.
L'Océan, fatal au nocher,
Lui dit: «Que me veux-tu, pleureuse?
Je suis la tempête et l'effroi;
Je finis où le ciel commence.
Est-ce que j'ai besoin de toi,
Petite, moi qui suis l'immense?»
La source dit au gouffre amer:
Je te donne, sans bruit ni gloire,
Ce qui te manque, ô vaste mer!
Une goutte d'eau qu'on peut boire.»
Avril 1854, En marche
Mes deux filles
Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,
L'une pareille au cygne et l'autre à lacolombe,
Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur!
Voyez, la grande soeur et la petitesoeur
Sont assises au seuil du jardin, et sur elles
Un bouquet d'oeillets blancs aux longues tiges frêles,
Dans une urne de marbre agité par le vent,
Se penche, et les regarde, immobile et vivant,
Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,
Un vol de papillons arrêté dansl'extase. juin 1842 , Aurore
Mes vers fuiraient, doux et frêles
Mes vers fuiraient, doux et frêles,
Vers votre jardin si beau,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l'oiseau.
Il voleraient, étincelles,
Vers votre foyer qui rit,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l'esprit.
Près de vous, purs et fidèles,
Ils accourraient nuit et jour,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l'amour. mars 18.., L’âme en fleure
ÉCRIT AU BAS D’UN CRUCIFIX
Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure.
Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit.
Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit.
Vous qui passez, venez à lui, car il demeure.
Juillet 1843, Les luttes et des rêves
Aime celui qui t'aime
Aime celui qui t'aime, et sois heureuse en lui.
-- Adieu! -- sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre!
Va, mon enfant béni, d'une famille à l'autre.
Emporte le bonheur et laisse-nous l'ennui!
Ici, l'on te retient; là-bas, on te désire.
Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double