Molière, Les fourberies de Scapin
Scène II
GÉRONTE, SCAPIN.
GÉRONTE: Hé bien, Scapin, comment va l'affaire de mon fils?
SCAPIN: Votre fils, Monsieur, est en lieu de sûreté; mais vous courez maintenant, vous, le péril le plus grand du monde, et je voudrais pour beaucoup que vous fussiez dans votre logis.
GÉRONTE: Comment donc?
SCAPIN: à l'heure que je parle, on vous cherche de toutes parts pour vous tuer.
GÉRONTE: Moi?
SCAPIN: Oui.
GÉRONTE: Et qui?
SCAPIN: Le frère de cette personne qu'Octave a épousée. Il croit que le dessein que vous avez de mettre votre fille à la place que tient sa sœur est ce qui pousse le plus fort à faire rompre leur mariage; et, dans cette pensée, il a résolu hautement de décharger son désespoir sur vous et vous ôter la vie pour venger son honneur. Tous ses amis, gens d'épée comme lui, vous cherchent de tous les côtés, et demandent de vos nouvelles. J'ai vu même deçà et delà des soldats de sa compagnie qui interrogent ceux qu'ils trouvent, et occupent par pelotons toutes les avenues de votre maison. De sorte que vous ne sauriez aller chez vous, vous ne sauriez faire un pas ni à droit, ni à gauche, que vous ne tombiez dans leurs mains.
GÉRONTE: Que ferai-je, mon pauvre Scapin?
SCAPIN: Je ne sais pas, Monsieur, et voici une étrange affaire. Je tremble pour vous depuis les pieds jusqu'à la tête, et. Attendez. Il se retourne, et fait semblant d'aller voir au bout du théâtre s'il n'y a personne.
GÉRONTE, en tremblant: Eh?
SCAPIN, en revenant: Non, non, non, ce n'est rien.
GÉRONTE: Ne saurais-tu trouver quelque moyen pour me tirer de peine?
SCAPIN: J'en imagine bien un; mais je courrais risque, moi, de me faire assommer.
GÉRONTE: Eh! Scapin, montre-toi serviteur zélé: ne m'abandonne pas, je te prie.
SCAPIN: Je le veux bien. J'ai une tendresse pour vous qui ne saurait souffrir que je vous laisse sans secours.
GÉRONTE: Tu en seras récompensé, je t'assure; et je te promets cet