Monothéiste
Akhénaton, précurseur du monothéisme ?
Christian Cannuyer
Professeur à la faculté de théologie de l’université catholique de Lille Président de la Société belge d’études orientales
C'est dans la seconde moitié du XIXe siècle que la « révolution » religieuse promue par le pharaon Aménophis ou, mieux, Amenhotep IV/Akhénaton (règne ± 1348-1331 av. J.-C.) a commencé à être connue grâce aux premières descriptions de sa capitale Akhetaton (El-Amarna). Bannissant la foule des dieux d'antan et surtout l'impérial Amon de Thèbes, protecteur de la dynastie, le roi s'était consacré au culte du seul Globe solaire Aton. Afin de bien manifester la mutation radicale à laquelle il s'employait, il avait changé son nom d'Amenhotep, « Amon est satisfait », en Akhénaton qu'on peut traduire par : « Celui qui manifeste utilement Aton ». Le rejet des anciennes traditions se trouva consommé lorsqu'en l'an 5 de son règne, le pharaon quitta Thèbes pour s'établir à quelque trois cents kilomètres plus au nord, dans un site vierge, strictement délimité et réservé à Aton, Akhetaton, « l'horizon d'Aton ». L'aventure tourna court : après dix-sept ans de règne, Akhénaton mourut dans des circonstances peu claires et son décès fut suivi par l'élévation au trône du jeune prince Toutankhamon, qui restaura les cultes traditionnels. Le « rêve d'Amarna » s'évanouit dans les sables du désert.
Dans la première moitié du XXe siècle, l'égyptologie a élaboré de la religion d'Akhénaton une reconstruction qu'on est tenté, avec le recul, de juger coupable d'un excès de « romantisme ». Selon cette vision, Akhénaton aurait balayé le polythéisme hirsute de la religion égyptienne traditionnelle et sa « contre-religion » marquerait l'avènement du premier monothéisme de l'histoire de l'humanité, le culte du Seul, de l'Unique Aton. Sigmund Freud lui-même, dans L'homme Moïse et la religion monothéiste, salua en Akhénaton le maître de Moïse, postulant une filiation spirituelle