Musset Sc Ne III Acte 6
CAMILLE, seule. Moi qui croyais faire un acte de vengeance, ferais-je un acte d’humanité ? La pauvre fille a le coeur pris. (Entre Perdican.) Bonjour, cousin, asseyez-vous.
PERDICAN Quelle toilette, Camille ! À qui en voulezvous ?
CAMILLE À vous, peut-être ; je suis fâchée de n’avoir pu me rendre au rendez-vous que vous m’avez demandé ; vous aviez quelque chose à me dire ?
PERDICAN, à part. Voilà, sur ma vie, un petit mensonge assez gros pour un agneau sans tache ; je l’ai vue derrière un arbre écouter la conversation. (Haut.) Je n’ai rien à vous dire qu’un adieu, Camille ; je croyais que vous partiez ; cependant votre cheval est à l’écurie, et vous n’avez pas l’air d’être en robe de voyage.
CAMILLE J’aime la discussion ; je ne suis pas bien sûre de ne pas avoir eu envie de me quereller encore avec vous.
PERDICAN À quoi sert de se quereller, quand le raccommodement est impossible ? Le plaisir des disputes, c’est de faire la paix.
CAMILLE Êtes-vous convaincu que je ne veuille pas la faire ?
PERDICAN Ne raillez pas ; je ne suis pas de force à vous répondre.
CAMILLE Je voudrais qu’on me fit la cour ; je ne sais si c’est que j’ai une robe neuve, mais j’ai envie de m’amuser. Vous m’avez proposé d’aller au village, allons-y, je veux bien ; mettons-nous en bateau ; j’ai envie d’aller dîner sur l’herbe, ou de faire une promenade dans la forêt. Fera-t-il clair de lune, ce soir ? Cela est singulier, vous n’avez plus au doigt la bague que je vous ai donnée.
PERDICAN Je l’ai perdue.
CAMILLE C’est pour cela que je l’ai trouvée ; tenez, Perdican, la voilà.
PERDICAN Est-ce possible ? Où l’avez-vous trouvée ?
CAMILLE Vous regardez si mes mains sont mouillées, n’est-ce pas ? En vérité, j’ai gâté ma robe de couvent pour retirer ce petit hochet d’enfant de la fontaine. Voilà pourquoi j’en ai mis une autre, et, je vous dis, cela m’a changée ; mettez donc cela à votre doigt.
PERDICAN