Nietzsche et le soufisme: concordances spirituelles.
I) Introduction De prime abord, il peut paraître étrange, fantaisiste ou incongru de vouloir trouver des similitudes entre celui qui personnifie l’athéisme militant et le courant spirituel ou mystique qui se revendique de l’Islam. Cependant, peut-on raisonnablement se représenter Nietzsche de la sorte ? Cette conception découle d’une compréhension erronée, de la part des héritiers des Modernes ou des Lumières, de sa trop célèbre assertion « Dieu est mort ». Les tenants de l’athéisme militant de l’époque, rationalistes absolus, voulurent comprendre, trop rapidement, que Nietzsche affirmait que Dieu avait finalement cessé d’exister ou que l’idée de Dieu avait définitivement disparu des consciences. Notre objectif, dans cet article, est de montrer qu’il faut plutôt envisager Nietzsche comme l’héritier du courant Illuministe, qui perpétue la Tradition, confluent des différentes traditions ésotériques. Il s’agit donc d’un changement de perspective radical. Le soufisme étant l’une de ces traditions ésotériques, nous nous demanderons s’il a pu exercer une influence directe sur Nietzsche.
II) la Tradition Nietzsche se revendique explicitement de la Tradition plutôt que de la Modernité. Il considère que « ce qui est aujourd’hui le plus profondément attaqué, c’est l’instinct et la volonté de la tradition (Tradition)[1] : toutes les institutions qui doivent leur origine à cet instinct vont contre le goût de l’esprit moderne ». Qu’est-ce donc, pour Nietzsche, que cette tradition (Tradition) ? Il la définit comme « la tension d’une volonté par-delà des temps éloignés, la sélection des états et des valeurs qui font que l’on peut disposer du futur pour des siècles » et il considère que « tout cela précisément est au plus haut point antimoderne »[2]. Ce thème de la Tradition, c’est René Guénon, « converti »[3] au soufisme, qui l’a thématisé et pour laquelle il a constamment œuvré.