Nos desir nous appartiennent-ils?
Face à la puissance du désir, il est tentant de tenir un discours prudent, visant à maîtriser cette orientation dont nous sommes facilement victimes, qui se manifeste par une certaine tendance à ne plus tout à fait nous maîtriser, puisque ce sont des objets, plus ou moins abstraits, qui semblent orienter nos comportements, parfois jusqu’à semer dans nos vies de véritables désordres. Pourtant, on est aussi assez spontanément réticents devant les discours qui condamnent totalement le désir : après tout, celui-ci est en partie associé à l’idée de bonheur, et on sent bien que renoncer à l’un nous condamnerait à abandonner aussi l’autre. Le problème, c’est que les plus rationnels d’entre nous auraient tendance à penser que cette réticence est elle-même un leurre produit par le désir, qui nous incite démagogiquement à le préférer à la rigueur de la raison. Ainsi, en cédant au désir, on croirait prendre en main notre existence alors que ce serait au contraire cette puissance étrangère à nous-mêmes qui nous maîtriserait à notre insu. Placés au milieu de cette double influence, nous sommes donc fondés à nous demander si nous sommes maîtres de nos désirs, puisque l’hypothèse inverse semble tout aussi plausible. Résoudre ce dilemme réclame tout d’abord de distinguer les raisons pour lesquelles le désir apparaît facilement comme une source de désordre dont il faudrait se défier. Mais sa condamnation devra elle aussi être observée avec méfiance, dans la mesure où l’ordre dont elle fait la promotion est, lui aussi, susceptible de faire l’objet d’une tendance qui serait d’une part moins maîtrisée qu’elle ne veut bien l’avouer, et d’autre part apte à réduire considérablement notre puissance de vie et, par conséquent, susceptible de nous attrister, ce qui, on le verra, est plus grave qu’on ne le pense spontanément.
1 – Le désir conçu comme source de désordre et de perdition.
A – Le désir est un manque qui, bien que non vital, et par conséquent a priori