Notre bonheur doit-il quelque chose à la chance ?
Tous les hommes veulent vivre heureux. Mais peu y parviennent. Notre bonheur doit-il donc quelque chose à la chance ? Il semble en effet dépendre de circonstances extérieures comme la fortune ou la santé, et pas seulement de nous-mêmes. Soumis aux aléas du temps, son rapport à la volonté n'est pas nécessaire, mais contingent : il ne suffit pas de vouloir être heureux pour l'être. Mais il n'en reste pas moins qu'il faut connaître des lois, savoir appliquer des règles et se plier à une discipline, si l'on veut réussir. La résolution d'un problème mathématique ou la réussite à un examen ne sont pas affaire de chance, mais de méthode et de travail, et il en va peut-être de même des difficultés pratiques, et non plus théoriques, que l'on rencontre dans la vie. Qu'en est-il donc du bonheur ? Est-il le fruit du hasard, de la chance et de la bonne fortune qui le mettent du même coup à la merci des circonstances et des aléas de la vie ? ou bien est-il le résultat d'une activité méthodique et réglée, d'un mode de vie qui n'est pas sans raison, et qui doit tout à cette faculté plutôt qu'au hasard ? Comment faire pour vivre heureux ? Cela se mérite-il ? Cela dépend-il de nous ? Que pouvons-nous espérer ?
I. Le bonheur ne doit rien à la chance
Selon Épictète, le bonheur ne doit rien à la chance. Il est le résultat d'une vie conforme à la raison et réside dans l'absence de trouble : c'est l'ataraxie, ou tranquillité de l'âme, que produit l'accord de la pensée et de la vie qui nous soustrait aux passions en nous mettant à l'abri des aléas du monde. En ce sens, il ne dépend que de nous de vivre heureux ou malheureux, parce qu'il ne dépend aussi que de nous de bien ou mal raisonner.
1. Certaines choses dépendent de nous
Le principe fondamental de la philosophie stoïcienne, dont Épictète est l'un des plus illustres représentants, consiste en effet à affirmer que le monde est divisé en deux : d'une part, il y a ce qui dépend de nous et, d'autre part, ce qui n'en