Nous saurons nous en priver
Indications : Dessin de Camille Boutet, école communale de filles de la rue Camou.
Lieu de Conservation : Musée d'histoire contemporaine / (Paris)
Contexte historique
1916 : cela fait déjà deux années que la Grande Guerre fait rage, qu’elle prive les enfants de leurs pères, les mères de leur soutien. Deux années que l’État, les acteurs économiques et industriels, la société tout entière se dévouent pour mener à terme ce combat à mort. 1916 est une année particulièrement meurtrière, marquée par la saignée de Verdun (de février à décembre). À l’arrière s’est organisée dès décembre 1914 la « croisade des enfants » sous le signe du Sacré-Cœur du Christ et le patronage de Jeanne d’Arc – l’un sacrifié sur l’autel de l’humanité souffrante, l’autre sur celui de la patrie occupée. L’école, la presse enfantine, les jouets, tout parle aux enfants d’une guerre héroïque, grandiose, omniprésente et singulière à la fois.
Analyse des images
Les privations de la guerre: renoncer aux petits plaisirs quotidiens
Le dessin de l’écolière Camille Boutet a certainement dû frapper les contemporains par la qualité du dessin et la richesse du coloris. La dominante bleu-rouge-blanc souligne immédiatement le contexte patriotique dans lequel l’affiche fut élaborée. Les teintes employées sont également celles de l’uniforme des soldats français… de 1870. La neige qui couvre le trottoir se conçoit moins comme un symbole du froid (la petite fille de gauche ne porte pas de pèlerine) que comme le rappel du blanc du drapeau national. Le cadre ovale, typique de l’art du portrait, insiste sur l’aspect intime de cette scène de la vie quotidienne. Seulement, la formule inscrite en lettres de sang lève toute ambiguïté et accentue le contraste entre l’intérieur du magasin, bien achalandé, chatoyant, et l’extérieur où se trouvent relégués les trois minuscules enfants. Ces derniers s’offrent en exemple aux adultes en renonçant à leur innocent plaisir.
Interprétation