On est pas sérieux quand on a 17 ans
Monsieur Duchemin, à deux mois de la retraite, leva un regard excédé sur
Jérôme Rablin, droit comme un i devant le bureau directorial.
-Qu’a - t’il fait cette fois- ci, notre adepte d’ Arthur Rimbaud ?
Demanda-t-il en soupirant.
Et Monsieur Rosier, surveillant en chef, narra l’énième blague oiseuse de
Rablin.
-Eh bien…! Euh ! …Mme Duglantier, professeur de Français, avait demandé à ses élèves de disserter sur la-dite phrase : « On n’est pas sérieux… » etc..
Elle rendait les devoirs ce matin. Vous connaissez Madame Duglantier ?
Fidèle à elle-même, myope et toujours bougon, elle est entrée en classe son gros cartable pendu au bout de son bras gauche, le droit maintenant sur sa maigre poitrine une pile de livres divers. Ne regardant personne, elle posa lourdement son fardeau sur le bureau, écrivit au tableau d’un geste nerveux, une phrase vengeresse, du style : « Vous êtes tous des ânes ! », opinion qu’elle profère de façon très régulière d’ailleurs, puis elle se retourna vers la classe, l’œil vengeur et furibond, le chignon de travers.
Une armée d’ange consterné traversait la classe, quand on frappa à la porte.
-Ouiiiii ! Couina –t-elle de voix haut perchée
Jérôme Rablin fit alors son apparition et, de la consternation, les anges passèrent à la stupéfaction
Au début dans son brouillard amétrope, elle ne distingua que la silhouette élégante d’un jeune homme en costume trois pièces
-Qu’est-ce que c’est ? piailla-t-elle, fronçant ses petits yeux de myope et cherchant ses lunettes.
-c’est Rablin, Madame ! balbutia Dugenoux, le lèche-bottes de service
Ayant enfilé ses lorgnons sur son nez pointu de fouine elle reluqua son élève en démarrant par les pieds chaussés de beaux mocassins bien cirés.
Elle s’attarda