On purge bébé
Rose, redescendant. — Monsieur ?
Follavoine. — Par hasard, les… les Hébrides… ?
Rose, qui ne comprend pas. — Comment ?
Follavoine. — Les Hébrides ?… Vous ne savez pas où c’est ?
Rose, ahurie. — Les Hébrides ?
Follavoine. — Oui.
Rose. — Ah ! non !… non !… (Comme pour se justifier.) C’est pas moi qui range ici !… c’est Madame.
Follavoine, se redressant en refermant son dictionnaire sur son index de façon à ne pas perdre la page. — Quoi ! quoi, "qui range" ! les Hébrides !… des îles ! bougre d’ignare !… de la terre entourée d’eau… vous ne savez pas ce que c’est ?
Rose, ouvrant de grands yeux. — De la terre entourée d’eau ?
Follavoine. — Oui ! de la terre entourée d’eau, comment ça s’appelle ?
Rose. — De la boue ?
Follavoine, haussant les épaules. — Mais non, pas de la boue ? C’est de la boue quand il n’y a pas beaucoup de terre et pas beaucoup d’eau ; mais, quand il y a beaucoup de terre et beaucoup d’eau, ça s’appelle des îles !
Rose, abrutie, — Ah ?
Follavoine. — Eh ! bien, les Hébrides, c’est ça ! c’est des îles ! par conséquent, c’est pas dans l’appartement.
Rose, voulant avoir compris. — Ah ! oui !… c’est dehors !
Follavoine, haussant les épaules. — Naturellement ! c’est dehors.
Rose. — Ah ! ben, non ! non je les ai pas vues.
Follavoine, quittant son bureau et poussant familièrement Rose vers la porte pan coupé. — Oui, bon, merci, ça va bien !
Rose, comme pour se justifier. — Y a pas longtemps que je suis à Paris, n’est-ce pas… ?
Follavoine. — Oui !… oui, oui !
Rose. — Et je sors si peu !
Follavoine. — Oui ! ça va bien ! allez… Allez retrouver Madame.
Rose. — Oui, Monsieur !
Elle sort.
Follavoine. — Elle ne sait rien cette fille ! Rien ! qu’est-ce qu’on lui a appris à l’école ? (Redescendant jusque devant la table contre laquelle il s’adosse.) "C’est pas elle qui a rangé les Hébrides" !