Parménide
Parménide platonicien rationaliste, Parménide heideggérien, tels sont les deux pôles d'interprétation généralement privilégiés des exégètes. L'examen du thème de la « doxa » et de l'« alêtheia » dans le Poème ne permet-il pas de susciter à son tour celui de pareil dogmatisme ? C'est ce que l'on s'efforcera de montrer, en prenant à l'appui de cette réflexion l'excellent commentaire de Barbara Cassin sur le Poème lui-même. Pour ce faire, on s'interrogera d'abord sur le caractère palimpsestique du Poème ; puis on donnera, pour l'essentiel, la teneur du commentaire de B. Cassin sur l'épisode des Sirènes dans sa lecture conjointe des textes de l'Odyssée et du Poème ; enfin, on réfléchira à l'intrication des notions de « doxa » et d' « alêtheia » dans le texte parménidien, pour dégager leur signification.
1. Un palimpseste du texte homérique ? La question du caractère palimpsestique du texte de Parménide est posée. Le palimpseste concerne naturellement le grand poème archaïque fondateur, l'Odyssée d'Homère. Il faut rappeler qu'un palimpseste digne de ce nom suppose l'effacement du texte antérieur auquel il vient se superposer, sans égard pour sa permanence. Or, est-ce bien le cas du Poème parménidien ? Il semble que non, l'expression de « palimpseste » ne puisse s'y appliquer qu'imparfaitement. Elle est en effet trop forte pour qualifier un texte qui n'entend pas réécrire l'Odyssée, et par là-même s'y substituer au point de le renvoyer à l'oubli ; si le Poème entend rivaliser avec Homère, c'est, certes, en prétendant s'y substituer, mais aussi et surtout, c'est de le faire dans une coexistence nécessaire avec le texte originel. C'est ainsi que le nouveau texte ne peut fonctionner dans toute sa splendeur qu'en référence à celui dont il se réclame à l'implicite. Pour mener à bien cette logique de substitution, l'écriture a donc besoin du texte premier auquel elle se substitue. Précisément, pour que la substitution ait lieu,