Penser c'est dire non
La thèse est posée dès la première phrase : penser, c'est dire non. Sans ambiguité, Alain définit le sens du mot penser. Il continue par une observation, analogie où il compare l'endormissement à l'acquiessement, le réveil à la dénégation. Métaphoriquement, le non est ainsi doté d'une valeur plus positive que le oui, comme si le non était l'éveil de la pensée.
Dire non, certes, mais non à quoi ? Alain précise sa thèse : la pensée dit non à la pensée. Dire non, c'est affronter avec sa pensée sa propre pensée. C'est remettre en cause les évidences, porter en permanence attention à ce que l'on pense, pour s'assurer de sa justesse. C'est, pour Alain, le combat par excellence.
Alain aborde alors rapidement les notions de responsabilité individuelle (je suis seul responsable de mes pensées, c'est à chacun de faire l'effort de dire non, de se remettre en question) et de liberté (l'asservissement résulte de l'acceptation tacite d'une domination, la liberté d'une réflexion critique sur l'oppression). Les titres des ouvrages dans lesquels cet extrait s'insère prenne alors tout leur sens : propos sur la religion et, surtout, sur les pouvoirs.
Alain va plus loin encore en affirmant que même le vrai devient faux si on ne l'interroge pas en permanence. Une condition de vérité se dessine : ne peut être vrai que ce dont je me demande à tout instant s'il n'est pas faux, et que je confirme ainsi perpétuellement dans son statut de vérité. Cela devient même pour Alain une condition d'existence de la pensée elle-même, et l'on pense inévitablement à Platon lorsqu'il dit que celui qui croit ne sait pas qu'il croit : le premier pas pour Platon, celui de savoir qu'on ne sait pas, est ici le pivot de la thèse, l'éternelle démarche à toujours recommencer. (On me fait remarquer dans les commentaires qu'il s'agirait plutôt de Socrate que