Peut-on ne pas etre soit meme ?
Entretien avec Kateb Yacine
Tassadit Yacine Cet entretien a été réalisé en octobre 1987 à Ben-Aknoun au domicile de Kateb Yacine. M’étant toujours intéressée aux itinéraires des intellectuels, je voulais remonter aux sources de la prise de conscience de Kateb Yacine. Qu’est ce qui faisait qu’un arabophone s’intéressât à la culture berbère sachant par ailleurs qu’il y avait très peu d’arabophones à manifester un intérêt pour cette culture. Il y a bien sur des exceptions, car Bensédira ( berbérisant connu à la fin du XIXe siècle ) compte parmi les premiers autochtones à travailler sur les langues populaires. Ce qui a caractérisé la fin du XIXe siècle va disparaître peu à peu, en particulier à partir des années 20. Il serait intéressant de réfléchir sur les causes de ce recul ---en ce qu’il est remarquable --- dans domaine de recherche et d’impulsion des langues parlées en Algérie. C’est en fait l’histoire de la recherche, l’histoire des idées qui a contribué à la réalisation de ces deux entretiens. Le lecteur trouvera des opinions bien connues de Kateb Yacine. Elles ne concernent guère le sujet traité ici, même si certains points sont d’actualité (problèmes sociaux). si je les reprends, c’est par fidélité à l’auteur et aussi parce que Kateb Yacine nous fait découvrir son enfance et nous relate lui-même la genèse de son intérêt pour les langues populaires.
Tassadit Yacine : Si vous voulez bien, essayons de définir ce que vous appelez la patrie, l’Algérie.
Kateb Yacine : Nedjma, c’est l’Algérie, la quête de l’Algérie. Est-ce que nous l’avons trouvée ? A mon avis, non. Nous ne sommes même pas capables d’appeler notre pays par son nom. L’Alérie ce n’est pas le vrai nom de notre pays. C’est un terme touristique. Ldjazaïr, c’est quoi ?
T.Y : les îles.
K.Y : Vous avez vu un pays qui s’appeler les îles ? Ce sont es arabes qui l’ont appelé ainsi.
T.Y : oui.
K.Y : nous continuons à nous désigner en termes