Il est courant aujourd’hui de parler d’une crise de la représentation politique en France, et de dénoncer les déficiences d’un gouvernement représentatif incapable d’assurer un poids politique équitable aux différents groupes sociaux, en particulier les moins dotés en ressources. Et ce sentiment de malaise a encore été accentué par la crise économique qui touche les pays européens depuis 2008. On peut néanmoins s’interroger sur les fondements de ce discours : quand une « crise » devient un état permanent, est-il encore légitime de parler de crise ? Cette question implique de définir les concepts de « démocratie représentative », « champ politique » et « ressource ». La représentation politique est un système de délégation du pouvoir politique à des gouvernants ; ce mécanisme permet de distinguer la démocratie représentative de la démocratie directe (Manin 1996, p. 11). Pour dépasser cette définition qu’il jugeait trop formelle, Pierre Bourdieu a forgé la notion de « champ » : il s’agit d’ « un microcosme autonome à l’intérieur du macrocosme social. ». C’est-à-dire d’un univers, plus ou moins indépendant, possédant ses propres lois et critères d’évaluation. Au sein d’un champ, chaque agent occupe une position qui lui est propre et le conduit à agir d’une certaine manière. Par ailleurs, cette notion n’a rien de statique : « un champ est un champ de forces et un champ de lutte pour transformer ces rapports de forces. » Ce qu’on appelle le champ politique est un champ particulier dont font partie les acteurs politiques, mais aussi les journalistes et les sondeurs (Bourdieu 2000, p. 37, 41 et 52). Enfin, la notion de ressources, à propos des groupes sociaux, ne se laisse pas aisément définir. Les notions de ressources économiques et culturelles sont éclairantes, mais elles ne permettent pas de comprendre l’ensemble du problème, car des « entrepreneurs de mobilisation » peuvent détenir un capital important même s’ils se mettent au service de groupes à faibles ressources.