Peut-on se passer de la philosophie?
Chaque corps de métier semble avoir une nécessité intrinsèque dans le monde de la communauté humaine. Comment douter qu'il faille des charpentiers ou des tailleurs, alors que tous ont besoin de se loger et de se vêtir, quand bien même ils ne seraient pas capables de le faire eux-mêmes et de satisfaire ainsi leurs besoins ? Mais dans cette division du travail au sens platonicien, quelle place ferons-nous aux philosophes ?
De quelle compétence qui leur serait propre pourrions-nous rendre compte pour justifier, légitimer le fait qu'il y ait des philosophes ? En outre, derrière cette légitimation qui les replace dans le monde économique, ne devons-nous pas chercher à établir cette réponse dans un sens plus fondamental ? Car la question du pourquoi des philosophes invite à réfléchir à la raison de leur exis¬tence même : pourquoi, tout simplement, y a-t-il des philosophes ? Pourquoi les hommes ont-ils eu besoin de cet écart pris avec eux-mêmes, avec leur existence et le monde dans lequel ils vivent ? Car la particularité du philosophe est précisément, à l'inverse de toutes les autres fonctions que se sont trouvé les hommes, de ne pas changer le monde, du moins pas dans une emprise technique qui serait mise en oeuvre à partir d'un savoir nouvellement acquis.
I. LA CONSCIENCE d'UN MANQUE
Nous sommes donc en mesure de répondre à ce « pourquoi ? » pris au sens de « pour quelle raison ? », qu'il y a des philosophes parce que nous ne sommes pas pleinement satisfaits de notre sort, et que cette insatisfaction est tout de même plus satisfaisante, du point de vue rationnel, que ne le serait l'insertion autosuffi¬sante dans le monde des phénomènes. Il y a des philosophes parce qu'il y a en l'homme une aspiration à autre chose que ce qu'il connaît, en particulier à autre chose que le savoir technique.
II. LE RÔLE du philosophE
Se pose alors la question de la place du philosophe au sein de la communauté des hommes, de sa place au sein de la Cité. Nous entendrons