Peut-on vouloir le mal?
[Introduction] Le mal subi, dramatique ou banal, suscite le besoin d'explication, pour justifier ce qui arrive ou pour accuser quelqu'un ou quelque chose. L'idée d'une fatalité, d'un destin auquel on n'échappe pas, répond en partie à ce besoin, en posant plus ou moins confusément un ordre dans ce désordre. Il reste qu'une part essentielle de ce qui fait souffrir est, au contraire, directement imputable à l'action d'autres hommes: il faut rendre compte du mal commis, de la faute, qui peut être volontaire ou involontaire. De plus, l'homme peut exercer un mal conscient avec cruauté, ce qui semble indiquer un plaisir à faire le mal et pas simplement une négligence égoïste envers le mal ressenti par autrui. Autant d'expériences qui semblent démentir la thèse socratique selon laquelle "nul ne veut le mal" (« nul n’est méchant volontairement ») et qui justifient la question "peut-on vouloir le mal?". L’enjeu est de taille : cette thèse, si elle se révélait finalement défendable, instaurerait un lien essentiel entre la volonté et le bien: par essence, seul le bien serait susceptible d'être l'objet de la volonté. Mais une telle thèse ne suppose-t-elle pas de nier l'ampleur de la liberté humaine qui se manifeste, justement, dans la possibilité de vouloir le mal? Si la méchanceté est volontaire, c’est l’orientation même de l’être qui doit être corrigée ; si le mal est une erreur sur ce qui apporte son bien propre, c’est avant tout l’éducation qu’il faut développer, pour éclairer le jugement. [I- La volonté vise toujours le bien subjectivement compris] Qu'est-ce que la volonté? On appelle volonté une certaine relation d'un individu, celui qui veut, à un certain état du monde qui n'existe pas encore, mais qu'une action de cet individu peut réaliser. La volonté est d’abord une qualité de caractère qui manifeste de la persévérance et de la décision dans ses choix. La volonté est ce par quoi un caractère s’affirme, elle est