pharmacod pendance en population g n rale
Essai de typologie
Philippe Le Moigne
Sociologue
Chargé de Recherche à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM)
Chercheur au Centre de Recherche Médecine, Santé, Santé Mentale et Société (CERMES3)
Il y a quelques années, nous avions entrepris avec mon équipe d’interviewer des consommateurs de médicaments psychotropes (d’anxiolytiques, d’hypnotiques et/ou d’antidépresseurs), et plus particulièrement des consommateurs au long cours, c’est-à-dire dont le recours est supérieur à 5 ans, mais qui pouvait s’étendre sur plus de 20 ans. Ces consommateurs ont été sélectionnés en population générale, à partir des indications fournis par leurs médecins traitants, en l’occurrence, tous des médecins généralistes (1). Le propos de cet article est de considérer, qu’au-delà de la chronicité de ces usages, se trouvent mêlés des univers assez différents s’agissant 1) des manières de concevoir son identité, 2) de considérer les problèmes vécus et d’en définir les causes, 3) et du rapport entretenu à l’égard des médicaments. Au terme de quoi, il devient possible d’observer que la chronicité engage des formes de pharmacodépendance différentes par leur nature et leur degré (2).
Les recours conjoncturels et le spectre de la dépendance
Pour mieux donner à voir ce phénomène, il peut être bon de distinguer les recours chroniques des recours conjoncturels, c’est-à-dire des recours épisodiques, inférieurs à l’année. Ceux-ci représentent plus de 80% des recours prescrits aux 10 millions de Français qui consomment chaque année ces médicaments. Ils sont conjoncturels, précisément, parce que les problèmes qui leur sont liés sont eux-mêmes conjoncturels : difficultés passagères au travail, crise conjugale, le cas échéant, un deuil, etc. La plupart des recours demeurent conjoncturels également parce que l’image des médicaments psychotropes demeure associée à l’induction possible d’une dépendance. De