Plaintes et représentations d’un citoyen décrété passif aux citoyens décrétés actifs, (1790)
Par M. L’Ange
« Messieurs,
Vous allez procéder à l’élection de nouveaux représentants ; mais où sont vos frères ? (…) Quand l’univers retentit du sublime arrêté du 17 juin 1789 dans lequel l’Assemblée nationale reconnaît qu’à cette époque elle était déjà composée de représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seizièmes au moins de la nation ! Quand le 4 août cette masse de députation accrue, complétée par les autres quatre centièmes, détruisit le régime fiscal, abolit les privilèges et décréta que les citoyens, sans distinction de naissance, pourraient être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires et que nulle profession n’emportera dérogeance ; Quand les représentants du peuple français déclarèrent que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits (…) que l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance des mêmes droits, que ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi, qui est l’expression de la volonté générale, que tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants à sa formation…
Enfin, quand ils reconnurent et déclarèrent que le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, et que nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément, on ne doit pas s’attendre qu’ils tourneraient leur activité contre eux-mêmes, que retranchant une grande masse du souverain, divisant la nation, ils se réduiraient à n’en représenter que la moindre partie, que le pouvoir qui leur était confié leur servirait à ôter à leurs commettants le droit de le commettre et à les transformer en esclaves ou citoyens passifs ce qui est la même chose.
N’est-ce donc pas assez de restreindre la souveraineté de la nation au simple vote pour ses représentants?