Poemes de Francais
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime en boitant, l'infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Le Crapaud
Un chant dans une nuit sans air…
– La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
… Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
– Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…
– Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… – Horreur ! –
… Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonsoir – ce crapaud-là c’est moi.
Ce soir, 20 Juillet.
Tristan Corbière - Les Amours jaunes
La lettre duvoyant
A Paul Demeny à Douai
Charleville, 15 mai 1871.
J'ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle;
Voici de la prose sur l'avenir de la poésie
Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque; Vie harmonieuse. - De la Grèce aumouvement romantique, - moyen âge, il y a des lettrés, des versificateurs. D'Ennius àThéroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu,avachissement et gloire d'innombrables générations idiotes: Racine est le pur, le fort,le grand. - On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses