Pouvons-nous connaître autrui autrement qu’à partir de nous-mêmes ?
Quand nous rencontrons un ami, nous nous comportons immédiatement comme si nous avions affaire à une personne intelligente, raisonnable, capable de sensations et de sentiments, en tous points semblables à nous-mêmes. Autrement dit, immédiatement, nous voyons en lui un autre moi, en latin un alter ego.
Pourtant, comment puis-je savoir qu’autrui est un autre moi ? La réponse la plus simple est la suivante : je me représente autrui sur le modèle de ma propre pensée et de mes propres sentiments. Mais une telle réponse n’est peut-être pas satisfaisante : elle semble impliquer l’existence d’un raisonnement incompatible avec l’immédiateté avec laquelle je reconnais autrui comme un autre moi. Y a-t-il une autre manière de penser autrui, plus proche de notre expérience ordinaire ?
Pour répondre à ce problème, nous examinerons tout d’abord a connaissance que nous semblons avoir d’autrui à partir de nous-mêmes, pour soumettre ensuite cette analyse à une critique sévère. Il nous restera à déterminer alors s’il peut exister une alternative à cette manière de connaître autrui.
Par quel moyen pouvons-nous connaître autrui ? Pour répondre à cette question, il faut auparavant déterminer ce qui signifie l’expression « connaître autrui », en d’autres termes, il nous faut savoir ce que l’on connaît lorsque l’on connaît autrui.
Autrui est un autre moi. Cela signifie qu’autrui est un être intelligent, capable de sensations et de sentiments, qui manifeste dans son comportement sa rationalité, autrement dit, un être dont les caractères essentiels sont en tous points semblables aux miens. Ainsi, comprenons-nous les actions d’autrui en lui attribuant des désirs, des croyances et une manière rationnelle de satisfaire ses désirs en fonction de ses croyances. Par exemple, si un cycliste tend le bras vers la droite à l’approche d’un carrefour, nous comprenons son acte en lui attribuant le désir de tourner à