Introduction : Ce poème de Jacques Réda, extrait de son recueil Retour au calme, marque par le titre même du recueil la rupture nécessaire avec l’agitation quotidienne. Le poème intitulé La bicyclette impose précisément un changement de rythme qui permet l’observation attentive de la métamorphose opérée par la lumière du soir sur le vélo. Cette mutation spectaculaire s’effectue cependant dans une atmosphère sereine et harmonieuse. I) La métamorphose d’un objet quotidien : Réda opère dans son texte la transfiguration d’un objet technique appartenant au domaine du sport ou à l’univers de l’enfance. Le cadre spatio-temporel évoque l’endormissement d’un village une fin de semaine : les repères chronologiques et les indicateurs de lieu du vers 1, comme le participe présent « passant », suggèrent le calme, propice à la métamorphose. Le rythme change brutalement en fin de vers avec l’adverbe « soudain » et l’effet suspensif du vers 2 (cadrage plus serré, « zoom » sur une partie du décor). On relève le champ lexical de la lumière (avec notamment un jeu de mots sur « rayons » v.6). L’oxymore du vers 3 « torrent de soleil » introduit une dimension fantastique dans la description de ce lieu habituellement banal : il faut parfois regarder de plus près le quotidien pour y trouver des éléments extraordinaires. Cet oxymore se prolonge en métaphore filée de l’écoulement (v.3 « roule », v.4 « se pulvérise », v.5 « des éclats », v.6 « des gouttes ») qui dépeint une profusion subite de lumière. Cette mise en lumière est un prélude indispensable à la découverte du vélo, présenté comme un objet parfait, grâce à une double hyperbole et à la majesté de l’alexandrin (alors que le reste du texte est composé de vers de 14 pieds). En saisissant les mouvements infimes de la lumière sur un objet banal, en les traduisant par de nombreuses images, Réda entraîne le lecteur dans l’expérience sensorielle qu’il a connue, lui offrant ainsi une vision