Poésie et modernité
On considère généralement que la naissance du mouvement romantique français correspond à la publication des Méditations, de Lamartine, en 1820. Le moyen d'expression privilégié de cette génération était donc, d'emblée, la poésie, mais la poésie conçue non comme un jeu formel et une virtuosité de la langue mais comme l'exaltation du moi. À la suite de Lamartine, pour lequel « la poésie, c'est le chant intérieur », Alfred de Musset défendit l'idée de lyrisme personnel et la conception du poète comme un être tourmenté, doté d'une sensibilité exceptionnelle, au point qu'il établissait un lien de cause à effet entre le désespoir ressenti et la beauté du poème : c'est cette idée qu'exprime sa célèbre formule « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Victor Hugo, en revanche, voyait surtout dans le poète un « mage », un « prophète », qui se devait d'éclairer les autres hommes ; son œuvre véhicule pourtant, elle aussi, l'image d'un poète tourmenté, rédigeant ses textes avec son sang. Cette thématique nouvelle explique la conception romantique de l'inspiration : c'est précisément dans l'expression du moi, dans l'épanchement de la souffrance et dans l'effusion lyrique que les romantiques puisaient la matière de leurs poèmes. Pour cette génération, l'inspiration prévalait donc de nouveau, au détriment de l'idée de travail poétique : la figure allégorique de la Muse inspiratrice émaillait encore les poèmes de ce début de siècle.
Sur le plan formel enfin, le romantisme — et son chef de file Hugo en tout premier lieu — révolutionna le langage poétique avec une certaine provocation. « Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire », écrivait Hugo dans sa Réponse à un acte d'accusation,