Préface d'une anthologie pour poèmes d'amour
Théme : L’amour et l’eloge de la femme
Il ne faudrait pourtant, me disais-je à moi-même,
Qu'une permission de notre seigneur Dieu,
Pour qu'il vînt à passer quelque femme en ce lieu.
Les bosquets sont déserts ; la chaleur est extrême ;
Les vents sont à l'amour l'horizon est en feu ;
Toute femme, ce soir, doit désirer qu'on l'aime.
S'il venait à passer, sous ces grands marronniers,
Quelque alerte beauté de l'école flamande,
Une ronde fillette, échappée à Téniers,
Ou quelque ange pensif de candeur allemande:
Une vierge en or fin d'un livre de légende,
Dans un flot de velours traînant ses petits pieds ;
Elle viendrait par là, de cette sombre allée,
Marchant à pas de biche avec un air boudeur,
Ecoutant murmurer le vent dans la feuillée,
De paresse amoureuse et de langueur voilée,
Dans ses doigts inquiets tourmentant une fleur,
Le printemps sur la joue, et le ciel dans le cœur.
Elle s'arrêterait là-bas, sous la tonnelle.
Je ne lui dirais rien, j'irais tout simplement,
Me mettre à deux genoux par terre devant elle,
Regarder dans ses yeux l'azur du firmament,
Et pour toute faveur la prier seulement,
De se laisser aimer d'une amour immortelle.
Alfred de Musset
(1810-1857)
La Nymphe endormie.
Vous faites trop de bruit, Zéphire, taisez-vous,
Pour ne pas éveiller la belle qui repose ;
Ruisseau qui murmurez, évitez les cailloux,
Et si le vent se tait, faites la même chose.
Mon coeur sans respirer, regardons à genoux
Sa bouche de corail, qui n'est qu'à demi close,
Dont l'haleine innocente est un parfum plus doux
Que l'esprit de jasmin, de musc, d'ambre et de rose.
Ah que ces yeux fermés ont encor d'agrément !
Que ce sein demi-nu s'élève doucement !
Que ce bras négligé nous découvre de charmes !
Ô Dieux, elle s'éveille, et l'Amour irrité
Qui dormait auprès d'elle a déjà pris les armes
Pour punir mon audace et ma témérité.
Georges de Scudéry. (1601-1667)
Les Amours de Psyché - Éloge